Zhom et moi avons abandonné les razmoquet sur le bord de l'autoroute ce soir (nan en vrai, on les récupère demain... normalement ! Qui a cru que je les avais abandonnés lève le doigt ! Ah oui, quand même, tst !).
Nous étions invités à l'anniversaire d'un ami dans un restaurant très particulier, puisqu'il s'agit d'un restaurant dans le noir complet, pas dans la pénombre, pas avec une lumière tamisée, non non non, dans le noir total.
Je vous avouerai qu'en recevant cette invitation, j'avais bien envie de dire non. Non mais sans blague, moi qui ne dors pas dans le noir complet, ils voudraient que j'aille dans un resto manger sans voir ce que je mange ? Folie furieuse, angoisse terrible, risque de malaise, non impossible.
Et puis bon, ce sont des amis très intimes, le genre qu'on garde toute sa vie, qui accourent si vous avez un problème, qui feront tout pour vous aider au moindre souci. Le genre d'amis qui sont là pour vous, et pour qui vous êtes là, dans les moments les plus merveilleux de la vie, comme dans les plus terribles... Alors ben... Exit la peur, tous au resto, et que ça saute !
Bon alors, je vous raconte ou pas ? Allez, je vois que vous avez envie d'en savoir plus. Pis bon, si ça vous intéresse pas, vous n'avez qu'à fermer l'onglet et passer à autre chose (attention, je vois tout, je sais tout, grr).
On entre dans le resto. Un homme nous accueille, très gentil. On met nos sacs dans des casiers (merci de ne pas garder son téléphone, ni sa montre si elle brille dans la nuit, toi là bas, hop tu me retires fissa ta mini lampe de la poche, je t'ai vu, tst). On choisit la formule, on dit si on est allergique à certains aliments, si on n'aime pas quelque chose, on nous conseille de laver nos mains (risque de manger avec les doigts), on nous sert nos apéros.
La pression monte. Je vous avoue que je me suis demandée si j'allais entrer dans la salle. Le souffle se coupe en apprenant que dans quelques instants, la lumière sera coupée. Plus de retour arrière. En fait si, en cas de souci, on peut appeler notre serveur, il nous conduira à la lumière (cte honte lol).
On nous demande de mettre le verre d'apéro dans la main droite (pas touché à mon verre, dis donc, c'est mon mien !). La main gauche doit tenir l'épaule de la personne devant nous. On entre. Le parcours semble très long (pourtant il est évident que ce n'est que quelques mètres... à moins qu'on nous ai fait faire des tours pour le fun ? lol).
Hop on se prend 1 ou 2 chaises dans les pieds et 1 ou 2 poteaux dans les bras (les murs m'ont jamais aimée et c'est certainement pas ce soir, dans le noir, que ça va changer !). Et tout à coup, le serveur déplace notre chaise et demande qu'on s'assoit. On tâte partout et hop on s'assoit, non sans mal (non je ne me suis pas assise à côté de la chaise, je sais, vous auriez aimé, je sais, mais non !).
Alors, pour la petite histoire, tous les serveurs du restaurant sont aveugles ou malvoyants. Dans la vie normale, ce sont eux qui sont habitués à ce qu'on les aide à traverser la route à grimper les marches, à se diriger, etc. Ben ce soir, c'était eux nos yeux.
Notre serveur s'appelait Yemen, il était adorable et avait un super sens de l'humour. Il était très malvoyant, presque aveugle. Il n'est pas né aveugle, apparemment c'est très rare à notre époque. Il est né voyant, comme vous, comme moi. Ce qui fait qu'il a dû apprendre à s'adapter. Et franchement, je lui tire mon chapeau !
Les yeux cherchent partout mais ne trouvent rien, pourtant continuent à observer. On lève la tête quand quelqu'un nous parle. "Tu m'écoutes ?" "Oui oui" "Non mais comme je te vois pas, je voulais être sûre, que je parle pas toute seule.
Nous avions donc notre verre à apéro en face de nous. Un très grand verre au verre épais, avec une paille pour boire le cocktail. Nous avions une grande serviette en tissu avec posés dessus à gauche une fourchette, à droite un couteau. Les mains, touchent, ressentent tout, ce sont des sensations nouvelles de tout palper. A ce moment précis, la peur s'en va (la mienne en tout cas). L'angoisse s'éclipse, la pression redescend, je suis même presque contente d'être là (ouais faut pas déconner, je suis pas encore vraiment contente !).
Une rangée de femmes, et en face une rangée d'hommes. Ma voisine est une très bonne amie, elle a passé la soirée à me tripoter, finalement on sait pourquoi ils mettent les hommes d'un côté et les femmes de l'autre. Bon j'avoue, je l'ai un peu tripotée moi aussi (quoi, c'est les aveux ce soir ou quoi ?). Toucher la main, le bras de sa voisine, c'est quelque chose de rassurant. Quand on n'a plus le visuel, c'est tout ce qu'il nous reste, et on s'y accroche (sans jeu de mot).
On découvre un petit verre, pour l'eau, dans le même genre de texture que le verre à cocktail apéro, mais beaucoup plus petit, et le verre est plus mince aussi. On nous apporte un verre à vin (oui oui, vous avez remarqué vous aussi, que des verres, et toujours rien à manger, de vrais poivrots), c'est un verre qui semble dans une matière en plastique avec un long manche. Je découvre des sensations inconnues jusqu'ici. Mes mains effleurent chaque verre, les textures sont différentes. Je palpe mes couverts, mes doigts se piquent dans la fourchette, ma main caresse la serviette, je retouche mes 3 verres, avec les 2 mains. Mes mains sont mes yeux, et elles font un super boulot car je sais exactement où tout se trouve. Je peux me tourner pour dire des choses très intelligentes à mes voisines (quoi, ben oui, intelligente, toujours moi), si je touche un verre, rien qu'à sa texture, je sais lequel c'est (et là je sens que j'ai perdu une partie de mon auditoire mdr).
Yemen nous apporte une bouteille d'eau et une bouteille de vin. Il nous explique comment nous servir. Il faut mettre le doigt dans le verre et arrêter de remplir quand on sent le liquide sur le doigt. Méthode super, on n'y aurait pas pensé. On se sert l'eau, on se sert le vin, on se sert le vin, on se sert le vin (oups je radote oooo). L'obscurité déshinibe, on boit, sans se rendre compte que la tête va tourner. On rigole, on parle fort, on est super détendus (et là je suis juste super contente d'être venue).
Notre serveur nous apporte l'entrée. Bien sûr, on ne sait pas ce qu'on mange, ce ne serait pas drôle sinon... Les mecs disent direct qu'ils vont manger avec les doigts. Perso, je fais ma précieuse (ouais je suis fortiche pour ça) et je tente avec les couverts. Ouh la la que c'est dur à couper, grr ! Ah ça y est, j'ai réussi. Je porte la fourchette à ma bouche. Formidable, j'ai réussi à couper un morceau de pain ! Bon allez on retente et je réussi à manger. Bon alors, quand on met la fourchette à la bouche, 4 fois sur 5, la fourchette est vide (tiens d'ailleurs, faites moi penser à déposer le brevet, ça pourrait super bien marcher pour un régime minceur ! On ne vous dit pas de ne pas manger, juste la fourchette doit être vide la plupart du temps). Bon à chaque fois que la fourchette est dans la bouche, c'est quelque peu stressant (agaçant ?) de ne pas savoir ce qu'on va manger. D'autant qu'il y a plusieurs choses dans l'assiette. Et tout à coup, un gros morceau d'artichaud, beurk ! Si j'avais vu ce que c'était, j'aurais pu faire de toutes petites bouchées, là je ne me suis pas rendue compte que c'était un si gros morceau. Bon et si je recrache dans l'assiette, ok personne ne verra, mais bon, je suis qu'au début de mon assiette donc pas envie de remanger ce que j'ai craché (sans faire exprès ooooo), alors bon ben, hop on avale, avec du pain, ça cache le goût et pis tant pis. Heureusement d'autres aliments très bons. Même si dans le noir, les saveurs sont différentes, on a du mal à savoir ce qu'on mange. Cake aux olives, tartine, etc...
Yemen nous apporte le plat, il dit notre prénom et hop on tend les mains et il nous tend notre assiette. Je continue à faire ma précieuse avec mes couverts. Et puis d'un coup, j'en ai marre. De toute façon, qui le saura ? (ah oui mince, vous, puisque je vous le raconte !) Je commence à manger avec mes doigts et là... la vraie révélation lol (j'ai encore perdu un peu de mon auditoire, oui, non ?). Manger avec les doigts, c'est juste géniale. On ne voit pas ce qu'on mange (non non, ils n'ont pas rallumé la lumière depuis tout à l'heure), mais le fait de toucher, on devine presque (bon là j'exagère, on ne devine pas ce qu'on mange, on sent la texture, est ce ferme, fondant, liquide, croquant). Rien qu'à toucher, ça éveilles les papilles. Bon là le régime minceur n'est plus d'actualité puisque tout ce qu'on prend va à la bouche dès la 1ère fois (si si). Et là, c'est juste un régal. Les doigts pataugent dans la sauce (oui je sais, ces derniers jours, je suis crado oooooo ça va hein !). De l'agneau avec une sauce, miam, trop bon, une vraie tuerie. Aubergine, ratatouille, crevettes, roquette. Un pur délice, des sauces délicieuses (ah je l'ai déjà dit ? bon hé, c'est mon blog hein je dis ce que je veux !). Yemen reprend nos assiettes, il dit notre prénom et on lui tend notre assiette (et ce pour chaque plat entrée plat dessert).
Et puis on nous apporte une 2ème bouteille de vin, plus fort que le précédent, mais très bon quand même. Il nous apporte notre dessert. Gâteau au spéculos au chocolat. Moi qui n'aime pas les spéculos, j'adore ce dessert (oui parce qu'en fait, ce n'est qu'à la fin du repas qu'on apprend ce qu'on a mangé). Pastèque et melon. Gâteau pêche amande. Ben mon préféré étant incontestablement celui aux spéculos (comme quoi !).
C'est l'anniversaire de 2 personnes ce soir dans le restaurant alors tout le monde chante. Je trouve que les gens chantent très fort. Beaucoup plus fort que d'habitude. J'ai vraiment l'impression que l'oscurité deshinibe les gens. Moi même, je suis très à l'aise, moins timide que d'habitude (et puis bon, ce vin délicieux fait peut être un peu effet ooooooo). Notre ami reçoit des caleçons, il est très fort, même dans le noir il arrive à déballer, toucher et savoir ce que c'est.
Et puis c'est le moment de sortir de la salle. On se lève, on replace notre chaise sous la table et on fait la queue leu leu. On se reprend quelques chaises et poteaux (oui même eux veulent nous dire aurevoir). Et tout à coup, j'aperçois une petite lumière orange briller au plafond. Yemen nous conseille de regarder vers le bas une fois sortis, afin que la lumière ne nous fasse pas mal aux yeux. On sort, je baisse la tête, et là clairement, la lumière fait quand même mal. On a tous des têtes de dingues, avec les yeux super plissés. Ma tête tourne (vin ou lumière, le doute persiste lol). Le monsieur du début nous parle, nous demande ce qu'on croit qu'on a mangé puis nous dit ce que c'était réellement. J'avais trouvé quelques trucs, mais pas tant que ça. Et hop un petit tour au lavage des mains, c'est pas du luxe après un repas de ce genre lol !
Alors pour conclure ce trèèèès long article (ça va, il reste quelques personnes pour lire la fin ?), j'ai passé une super soirée géniale formidable tsoin tsoin. Je n'aurais jamais cru, mais franchement, c'est au top. Monsieur de l'accueil adorable, serveur adorable, repas très bon (oui enfin presque mdr). Et le noir, on l'oublie (si si je vous jure !). J'ai beaucoup aimé découvrir des sensations jusqu'alors inconnues (tripoter les copine, caresser les verres, se piquer les doigts dans la fourchette, manger avec les doigts). Je recommande à tous ceux qui passeront par Paris d'aller dans ce restaurant. D'ailleurs pour info, ils ont aussi ouverts dans quelques autres pays. Ils font même parfois des goûters pour les écoliers et les enfants leurs posent des questions après super marrantes. Ils conseillent à partir de 7 ans, pas avant, à cause de la peur du noir. Et petit bonus, les enfants mangent tout, même ce qu'ils ne mangeraient pas en temps ordinaire. Alors, avis aux mamans désespérées déterminées : fermez les volets, éteignez la lumière et mettez vos enfants à table, ils mangeront tout tout tout (même l'artichaud pss trop beurk !
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