Visite au village de Casimir
Publié le 31 Janvier 2016
Tout a commencé un soir de décembre quand je suis rentrée chez moi avec les enfants après avoir passé une fantastique après midi d'anniversaire chez ma Mexicaine préférée. De retour à la maison, mon mari m'annonce avoir passé des heures à faire des recherches sur internet pour que nous partions en week end à Brest tous les 4 en avion. Pardon ? Can you repeat please ? Moi, partir en avion ?
Il faut savoir que je suis phobique des avions. Alors mon mari n'a pas osé me proposer une destination exotique afin de ne pas me faire faire 6h d'avion pour le 1er voyage... Merci de l'attention hum !
Sur le moment, j'ai refusé tout net. Déjà l'avion, j'ai peur. L'idée d'un crash laissant les pauvres voyageurs à la merci des requins me paralyse. Sauf que pour aller à Brest, il n'y a pas d'océan à traverser. Oui enfin bon, se crasher sur la terre ferme n'est guère mieux. Si ? Et puis il y avait aussi les finances. Partir pour 1 semaine, j'aurais pu comprendre, le prix des billets d'avion aurait été amorti, mais partir pour 1 week end...
Mon mari n'a pas un caractère évident, il râle beaucoup et ne profite que trop peu à mon goût de la joie d'être vivant et en bonne santé sur cette Terre. Pour ma part, j'ai malheureusement eu très tôt conscience que la vie peut s'arrêter sans crier gare, et j'essaye donc de profiter de chaque instant qui m'est offert. Sauf que ce soir là, il avait tellement envie de partir, qu'il a su me rappeler ma philosophie de vie : alors si demain on meurt, tu ne trouves pas dommage qu'on ne soit pas partie profiter d'un chouette week end ?
Après quelques jours de travail au corps, il a fini par me convaincre. Ok, t'as gagné, on part !
Au secours, help, ya quelqu'un qui m'entend ? Pourquoi j'ai dis oui ? Pourquoi j'ai dis ça ! Oh le filou, il m'a eu !
Il m'a montré les activités qu'il avait trouvé, c'était sympa. Alors on a réservé l'avion et l'hôtel un dimanche matin. La journée passant, il continuait ses recherches et tout à coup, je l'ai entendu s'agacer... Toutes les activités prévues étaient fermées et allaient rouvrir le lendemain de notre départ ou quelques jours après. A dire vrai, j'ai cru que j'allais l'étrangler. On allait partir en avion, on avait payé et on ne savait absolument pas ce qu'on allait faire sur place... Ca ressemblait à une mauvaise blague, et pourtant ça n'en était pas une...
J'ai appelé l'office du tourisme et je suis tombée sur une dame qui m'a dit qu'il vaudrait mieux changer de date car tout était fermé à cette période là... Mais madame, c'est trop tard ! Elle m'a proposé des activités, puis s'est arrêtée et m'a dit que sans voiture, on ne pourrait rien faire. Merci au revoir raaaah !
Mon mari a commencé à chercher des vidéos et des articles traitant de la phobie de l'avion sur internet. Il a même trouvé un reportage photos d'un voyage Paris Brest (non pas la pâtisserie, bande de gourmands !). Et c'est ainsi qu'au moment où je m'approchais de lui, j'entendis un homme dire que si l'aile casse, alors il n'y a plus d'espoir, l'avion va se crasher et on va mourir. Formidable, je constate que j'arrive dans la pièce pile au bon moment de la vidéo...
Bien docilement, j'ai regardé tout ce qu'il m'avait préparé. J'étais nouée à chaque fois, un sentiment indéfinissable de peur et d'angoisse aussi intolérable qu'insurmontable.
J'ai finis par m'apercevoir que je pouvais regarder l'intérieur d'un avion et l'intérieur d'un aéroport sans trop de stress. Mais ce qui me paniquait réellement et complètement, c'était de voir un avion de l'extérieur. C'est plutôt curieux de pointer le doigt sur sa peur. Zhom, en thérapeute sadique m'a alors téléchargé le fruit de mes craintes en me prescrivant de regarder cette photo plusieurs fois par jour et ceci chaque jour. Merci Docteur, combien vous dois je ?
J'ai tenté, un peu, mais je me sentais perdre pied à chaque fois... J'ai supprimé la photo de mon ordinateur, afin de me ressourcer un peu.
Les jours passaient tranquillement, assenés de quelques conversations stressantes illustrées de photos terrifiantes (comprenez un avion posé dans un aéroport avec des passagers qui montent dedans...).
Un matin, devant faire un examen au centre de radiologie, j'attendais dans la salle d'attente, quand une petite fille m'apporta un avion qu'elle avait trouvé dans la caisse de jouets. Elle m'expliquait qu'il s'agissait d'un avion et qu'il était beau. Merci mademoiselle... C'est mon mari qui vous envoie ? Ya une caméra cachée pas loin ? Elle me le tendit. Je me sentais incapable de le prendre dans mes mains. Je la repoussais doucement. Oh oui il est très beau, non non garde le, va jouer avec là bas si tu veux. L'enfant s'installa sur la chaise voisine et dans un tonnerre de bruit de moteur fait avec sa petite bouche, elle me souria.
Zhom commençait à angoisser en me voyant blêmir à chacune de nos conversations. Je te préviens, si tu ne montes pas dans l'avion, je pars avec les enfants sans toi et après tu seras obligée de revenir nous chercher à l'aéroport. Merci, je vois que ma présence t'importe énormément.
Constatant que j'avais un examen médical à passer qui était tout près de l'aéroport où nous devions embarquer, il me proposa que nous y allions en repérage. J'acceptais immédiatement car je me rendais bien compte qu'il fallait vraiment vite que je me prépare...
C'est ainsi qu'une semaine avant le départ, nous visitions l'aéroport. Ce fut un moment de malaise terrible. Nous avons arpenté tous les étages, avons observé à toutes les fenêtres, et nous nous sommes même engouffré dans un couloir "interdit au public" pour regarder au bout la vue (nous sommes ensuite vite partis, de crainte qu'on nous prenne pour des terroristes tant nous regardions tout dans les moindres détails avec beaucoup d'insistance). Je me sentais mal, j'avais l'impression d'être dans un épais brouillard quand mon mon mari me parlait. Lui râlait que je ne marchais pas assez vite, mais j'étais incapable d'accélérer. Nous avons été là où les gens passent quand ils viennent de descendre de l'avion, je scrutais leurs visages, aucun n'avait l'air d'avoir passé un moment dans un manège à sensation... J'ai finis par m'asseoir pour faire une pause car j'avais les jambes coupées. Enfin mon calvaire se finit car nous sommes partis. Une chose a quand même réussi à me faire sourire : dans les toilettes, juste à côté de la chasse d'eau est écrit "eau non potable", on sait jamais, des fois qu'on ait envie de la boire... beurk !
Même si cette visite fut très dure et éprouvante pour moi, je ne regrette rien car elle m'a permis de me préparer, de savoir à quoi ressemble l'aéroport, bref de pouvoir imaginer ce qui allait se passer.
Nous étions donc à moins d'une semaine du départ quand nous avons reçus un mail de notre compagnie nous informant de plusieurs détails, dont un, pas du tout anodin... Les enfants devaient être munis d'une pièce d'identité... Pardon ? C'est une blague ? Nonnnn c'est même pas une blague ! Nos enfants de 6 et 8 ans n'ayant jamais quitté le pays, ils n'avaient donc jamais eu besoin de pièce d'identité, ni même de passeport... En tant normal, le livret de famille suffirait pour des enfants de moins de 13 ans. Sauf que ça ne fonctionnerait pas vu que nous étions en période de plan vigipirate... J'appelais divers numéros, plusieurs fois chacun (des fois que les versions changent). Et enfin je dû me rendre à l'évidence : mes razmoquet ne partiraient pas !
Oh rage, au désespoir, tout ceci était tellement injuste...
Mon homme et sa fidèle habitude à voir tout en noir, m'informa que la météo ne serait pas clémente ce week end : il devait pleuvoir tout le temps. Merci j'étais pas assez déprimée, vas y rajoutes en une petite couche...
Je commençais à me demander si toutes ces malchances n'étaient pas signe d'un mauvais présage. Et si tout ceci n'était là que pour nous dire de ne surtout pas partir ? Je repensais à ce film vu quand j'étais enfant, la Bamba, le narrateur avait peur de l'avion et le jour où il s'est enfin décidé à vaincre sa peur, l'avion s'est crashé...
J'essayais de me raisonner tant que je pouvais.
Les enfants allaient donc être gardés par mamie et papi, et nous allions partir tous les 2 en amoureux. La perspective d'un week end sans enfant n'était pas si affreuse que ça... On allait pouvoir profiter différemment, rien que nous 2, et je l'avoue, même si j'étais déçue d'avoir payé pour rien (oui, parce que mon mari est anti assurance...), j'étais quand même contente de pouvoir passer un moment rien qu'avec lui.
Je demandais à mon homme s'il partirait sans moi si je ne montais pas dans l'avion. Il me répondit que non, mais que par contre il serait très en colère après moi... Merci, j'avais juste besoin de me rassurer... Dans le mille !
Enfin le samedi matin, nous sommes partis de la maison pour aller à l'aéroport. J'avais terriblement stressé pendant ces quelques semaines. J'avais angoissé. J'avais eu peur. J'avais eu mal au ventre. J'avais eu envie de vomir.
Nous avons montré le téléphone de l'homme, les billets étaient inscrit dessus et nous nous sommes avancés. Ensuite nous avons mis nos affaires dans des casiers pour qu'ils fassent un petit parcours et nous sommes passés à la sécurité. Sauf que moi, j'ai sonné ! Une dame s'est empressée sur moi pour me fouiller. Aucun endroit de mon corps n'a été oublié... Elle a même mis ses doigts sous mon soutien gorge... C'est assez surprenant je dois dire... Elle a levé ses bras sur les côtés. Je l'ai regardé sans bouger. Elle m'a demandé de faire comme elle. J'avais l'impression d'être une terroriste. Mais où a-t-elle caché sa bombe ? Ah ben non, j'en ai pas ma petite dame ! Levez vos pieds, montrez moi vos semelles. Et enfin elle m'a laissé partir. (c'est quoi, c'est le bizutage ou quoi rhoooo !)
On s'est installé dans la salle d'attente. Zhom m'a proposé d'acheter un petit quelque chose à manger. J'ai refusé. J'ai bu la quasi totalité de ma bouteille de fleurs de bach... J'ai réclamé quelque chose à manger. Tu ne sais vraiment pas ce que tu veux ! Oui, et alors ? On s'est installé dans la cafétéria. J'ai commencé à manger mon yaourt. Il passait mal. Les larmes coulèrent à flots. Mon mari m'a demandé de me calmer. Je ne le pouvais malheureusement pas.
Enfin il fut l'heure d'embarquer, heureusement mes larmes ne coulaient plus... Nous avons présenté nos cartes d'identités et sommes montés dans le bus qui allait nous conduire à l'avion. Je regardais tous les avions et mon coeur était complètement paniqué. Nous sommes sortis du bus. Mon mari me poussait en avant. Viens on va monter. Attends laisse passer les gens. Il me poussait encore. Allez monte. Non mais attends, c'est bon, on n'est pas pressé. Monte je te dis, allez monte. Attends. Monte, arrête ça tout de suite, tu montes, maintenant. Mon homme me poussait encore un peu. J'étais maintenant en bas de l'échelle. Allez monte, pense qu'on va passer un super week end, que tu vas faire des super photos, oublie le reste, allez monte, monte, monte. Monte toi d'abord. Ok je monte et tu me suis ? Je ne lui répondis pas, regardais autour de moi, le sol, le ciel, les avions... Et je montais...
Le stewart nous a souhaité la bienvenue. On s'est assis. Quand le décollage a commencé, j'ai cru que j'allais vomir. Mon coeur palpitait tellement que j'ai cru qu'il allait s'arrêter. Et puis en vol, ça allait beaucoup mieux. J'ai pris tout un tas de photos, ça occupait bien mon esprit...
L'atterrissage s'est passé sans encombre, si ce n'est les oreilles qui se bouchent violemment.
On a passé un week end formidable... malgré la pluie. On s'est beaucoup promenés, on a bien mangé, on a bien profité d'être tous les 2 pour discuter de notre vie. Je dois dire que ça nous a fait un bien fou... On s'est d'ailleurs promis de se refaire des week end, avec enfants, mais aussi sans enfant.
Et puis le dimanche soir, on est repartis. Je n'ai pas utilisé ma bouteille de fleurs de bach. Cette fois ci, j'étais beaucoup plus détendue. Bon j'avais encore un peu peur, sinon ça n'aurait pas été drôle... Mais surtout, je crois que je souffre du mal de l'air car j'ai passé le voyage à avoir envie de vomir, avec un point dans la poitrine comme si j'allais avoir une crise cardiaque (heureusement que le vol du dimanche était en 2ème et pas en 1er...)
Ca fait maintenant une semaine qu'on est rentrés, j'ai trié les photos avec mon mari. Elles sont magnifiques d'ailleurs. L'homme aimerait qu'on reparte ailleurs. Pour nos prochains voyages, on aimerait aller à Venise, ou en Corse ou en Haiti.
Je suis fière et heureuse d'avoir combattu cette peur qui me tétanisait depuis de trop nombreuses années.
J'ai toujours eu horreur de la phrase bateau que tout le monde dit quand tu annonces que tu as peur de l'avion : c'est le moyen de transport le plus sûr. Mais zut quoi, quand on a peur, on n'a pas envie d'entendre cette phrase. Alors merci à tous ceux qui liront mon article de ne plus jamais ressortir cette phrase. Il y a tant de choses à dire pour rassurer quelqu'un qui a peur, à commencer par la plus chouette des nouvelles : tu vas aller visiter le merveilleux village de Casimir. Et ça, croyez le ou non, c'est ce qui m'a le plus séduit dans notre voyage !